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Affirmer que la création d’un groupe est un acte d’intelligence collective est une tautologie : en effet des individus se réunissent toujours autour d’une intention, d’une envie, d’un projet, d’un intérêt ou d’une thématique commune pour, par exemple : défendre les intérêts d’une profession, protéger une population ou l’environnement, promouvoir la recherche ou l’innovation ou développer une activité.

La décision de collaborer est un acte d’intelligence collective fondateur

Toutes les organisations commencent par une communion d’efforts pour collaborer vers un objectif partagé.

Pourtant, combien d’entreprises, de communautés et de collectivités souffrent et disparaissent à chaque instant ?

Cet article aborde comment les organisations mobilisent, développent et font vivre cette intelligence collective pour assurer leur développement et l’adaptation à leur environnement.

Nous aborderons successivement :

  • la nature des besoins qui relient les individus autour d’un objectif commun et la mise en commun de moyens
  • la qualité des interactions entre les membres du groupe
  • la capacité de la communauté ainsi constituée à faire converger ses efforts pour atteindre son(ses) objectif(s)

Nous verrons enfin que des outils dédiés à l’intelligence collective sont apparus au cours des dernières décennies pour pallier les méthodes de management classiques qui montrent leur limite dans l’environnement actuel, de plus en plus complexe. L’animation (la facilitation) de groupes en intelligence collective apporte une avancée importante pour les organisations, avec une diversité d’approche qui tient compte des spécificités et besoins des équipes.

Au commencement est l’intelligence collective …

Toute organisation commence par l’intelligence collective. Il a été nécessaire d’engager une démarche commune, des débats, des discussions, de convaincre ou de séduire.

Une fois que les groupes existent, les échanges, la confrontation des points de vue, la recherche d’informations, les analyses… sont nécessaires pour leur permettre de se perpétuer et de croître, comme un organisme vivant. Ce sont des processus intelligents et collectifs.

Cette démarche est commune à toutes les organisations. La question est de savoir quelle intelligence collective y est mobilisée, comment, et avec quelle conséquence.  C’est ce que nous allons explorer.

… à la fois intention et mise en commun de moyens

Qu’il s’agisse d’entreprises, d’organisations professionnelles ou d’associations, les statuts illustrent parfaitement les premières dimensions d’intelligence cœur des organisations :

  • l’objet : il figure en toute première place (généralement article 1 ou 2)
  • les personnes : associés, membres, actionnaires, leur qualité et les conditions d’adhésion dans le cas des organisations
  • l’organisation des relations internes
  • les moyens d’actions et ressources…

L’importance des objectifs et des moyens collaboratifs édictés dans les statuts témoignent de leur rôle prioritaire dans les processus d’intelligence collective des organisations.

La volonté de collaborer autour d’objectifs communs :

Les organisations sont constituées autour d’objectifs partagés comme :

  • défendre les intérêts de ses membres : économiques, sociaux, éducatifs…
  • protéger les intérêts de tiers : par ex : populations en difficulté ou en danger
  • réaliser un projet commun : social, matériel, intellectuel, entrepreneurial, politique…
  • partager et promouvoir des valeurs, des fêtes et spectacles, l’art…
  • etc

Ces objectifs doivent être connus et partagés par tous. Les dissentions entre les membres du groupe sur les objectifs entrainent nécessairement des échecs ou tout au moins une fragilité du collectif.

La définition des objectifs doit faire l’objet d’un rappel et d’un partage régulier pour s’assurer l’adhésion de tous, gérer les conflits, et valider la pertinence de l’objectif dans le temps. Elle doit être discutée et challengée pour assurer la cohésion du groupe et sa capacité d’adaptation : la raison fondatrice groupe est-elle présente, et est-elle toujours d’actualité pour les membres ?

Les moyens mis en œuvre pour cette collaboration

Les organisations ont besoin de s’appuyer sur une structure et des processus formalisés, articulés avec des espaces de libertés, pour remplir sa mission et atteindre ses objectifs :

  • exprimer et partager la vision et la raison d’être : dans la communication, les événements, les séminaires, assemblées générales…
  • identifier les missions et axes de développement : conseil, codir, comités stratégiques
  • planifier la mise en œuvre des objectifs : groupes de travail, comité ad-hoc …
  • organiser et exécuter le travail collaboratif permettant l’atteinte des objectifs… : management opérationnel, comités de pilotage, réunions de services, communications interne…
  • valider, vérifier et recueillir le feedback pour corriger et adapter la trajectoire, voire de requestionner la vision et l’objectif : consultations, enquêtes, écoutes, groupes de travail…
  • décider grâce à des processus et de critères d’évaluation, de consultation, de votes, de consensus ou de négociations

Chaque organisation utilise à sa manière les ressources dont elle dispose pour mener à bien sa mission.

C’est ce qui fait son unicité et sa singularité.

La mobilisation des ressources se fait le plus souvent dans le cadre de réunions, autour de la machine à café, ou lors d’événements ou par les médias et moyens de communication internes et externes, y compris les réseaux sociaux. Ces deux éléments (objectifs et moyens) ne sont que la partie émergée de l’iceberg de l’intelligence collective au sein des organisations.

De l’intelligence collaborative…

Les processus d’échanges collaboratifs des organisations modernes fonctionnent bien en temps normal. Les règles sont appliquées de manière formalisée ou automatique à partir de procédures enseignées dans les écoles, notamment les écoles de management. Elles sont renforcées par la culture populaire véhiculée par les médias, entre compétition, collaboration, culture du conflit et entraide.

Ces processus collaboratifs sont inscrits dans les statuts, règlements intérieurs, chartes, procédures et des notes internes. Il peut aussi, et même souvent, s’agir d’habitudes professionnelles, de relations anciennes, de traditions orales, ou tout simplement ce que l’on appelle la culture de l’organisation.

Lorsque tout va bien, chacun peut se sentir en confiance, être proactif et créatif et apporter sa contribution au collectif.

En cas de crises, de dysfonctionnement, des tensions se créent, les relations deviennent difficiles, complexes, et tendues.

Même les organisations performantes peuvent se trouver confrontées à des circonstances externes ou internes qui remettent en cause l’organisation, la vision, la mission. Il peut s’agir de crises sanitaires, économiques, de succession, financières ou sociales… ou lorsqu’elles sont menacées par l’arrivée de concurrents agressifs et efficaces, ou par une disruption technologique comme UBER l’a été pour les taxis et AMAZON pour le commerce. Alors, les automatismes et règles en place ne suffisent plus.

… à l’intelligence collective organisationnelle

Les organisations doivent se transformer alors même qu’elles peuvent entrer dans un état de stress qui fragilise les fondements mêmes de la collaboration.

Les dysfonctionnements qui apparaissent ne sont pas la cause, mais le symptôme d’un état que l’ont peut qualifier de CRASH, c’est-à-dire :

  • Contrarié (en repli, méfiance),
  • en Réaction (ne prend plus d’initiative, plus de recul, réagit du tac au tac…)
  • en Analyse paralysante (focalisé sur le passé, le pourquoi, les jugements, élaboration de scénarios catastrophes…)
  • Séparé, c’est-à-dire isolement et repli sur soi de l’organisation, et aussi des membres ou des collaborateurs, ce qui empêche la communication
  • Hostilité (provocation, blâmes, tensions internes et externes…)

Dans les cas extrêmes, les organisations semblent tétanisées alors même qu’elles doivent se transformer, au risque de disparaître.

Il leur est possible de faire appel à un accompagnement externe qui leur permet d’accéder à de nouvelles ressources internes, à de nouvelles méthodes de coopération et de collaboration, et une culture à la fois plus adaptative, plus solide et dynamique.

Les organisations peuvent alors mobiliser des ressources d’intelligence collective disponibles auxquelles elles n’avaient pas accès car elles ne sont pas enseignées dans les écoles de management et qu’elles sont parfois contrintuitives.

La mobilisation de ces ressources est un enjeu majeur de développement et de survie des organisations.

Management et intelligence collective

Les méthodes de management traditionnelles (organisation hiérarchique, taylorienne, matricielle …) ne répondent plus aux demandes des nouvelles générations ni aux besoins des organisations confrontées à des changements brutaux et à une complexité accrue de l’environnement. Elles peuvent entrainer de la résistance aux projets ou le désengagement des collaborateurs.

De nouvelles méthodes ont été mise au point au cours des dernières décennies pour mobiliser l’intelligence collective au service des organisations :  

  • Elles reposent sur des méthodologies précises, connues et éprouvées qui permettent l’émergence d’une grande richesse d’intelligence collective en interne de l’entreprise qui existe déjà, notamment celles des membres du groupe : collaborateurs, adhérents, partenaires …
  • Elles créent un cadre sécurisant et bienveillant qui redynamise l’ensemble de l’organisation et de retrouver ses fondamentaux. La confiance peut ainsi regagner l’ensemble des strates de l’organisation et redynamiser la structure.
  • Elles sont souvent praticables dans le cadre de réunions en présentielle ou en distanciel, ce qui n’implique pas nécessairement une mise en place longue et coûteuse, ni l’organisation de séminaires compliqués à organiser.
  • Elles sont portées par les consultants et facilitateurs qui posent le cadre et guident les membres du collectif dans la progression de leurs échanges et dans un processus de co-construction.

L’enjeu est de mettre ces méthodes à la disposition des organisations et des équipes avant qu’elles n’entrent en situation de crise ou pour améliorer leur performance ou l’engagement des équipes.

Si les dirigeants et managers sont les meilleurs experts de leur organisation, ils ont rarement le temps et les moyens de formaliser toutes les informations et les interactions qui se jouent dans une situation complexe, ni de développer eux-mêmes les outils d’intelligence collective. Un œil extérieur, neutre et bienveillant, ainsi que la maîtrise d’outils d’intelligence collective est toujours utile, voire indispensable, pour prendre le recul nécessaire à la bonne compréhension d’une situation et à la prise de décision.

Passer à la pratique avec les outils de l’intelligence collective

Le rôle des consultants et des facilitateurs en intelligence collective d’aider les dirigeants et les managers à introduire, favoriser et mobiliser les différentes intelligences collectives de leur organisation grâce à une grande variété d’outils et de méthodes dédiées au développement de l’intelligence collective.

En voici quelques exemples :

  • Le brainstorming : pour générer une forte créativité grâce à un interdisant la censure et notamment l’autocensure – c’est un classique et sans doute l’une des méthodes popularisées les plus anciennes et les plus connues, notamment en publicité et marketing.
  • Les masterminds : pour s’entraider sur des sujets professionnels en discussion entre pairs (Napoleon Hill,  années 50, USA)
  • L’appreciative inquiry : pour permettre à un collectif de valoriser et apprécier l’existant et l’aider à identifier les développements et potentiels.
  • Le codéveloppement professionnel : pour améliorer les pratiques managériales en groupe apprenant, combinant approches systémiques et créatives (Champagne et Paillette, Canada, fin des années 90).
  • La méthodes MAP : pour développer des projets et résoudre des problèmes avec une orientation objectif – méthode collective, rapide, orientée solution (Paul Raymond, années 90, France)
  • Le World Café : pour dialoguer en groupe, explorer des thématiques et questions clés permettant de s’enrichir mutuellement et de faire émerger des tendances, de nouvelles idées ou de nouvelles compréhensions.
  • La méthode des six chapeaux de Bono : pour résoudre les problèmes en favorisant la pensée critique afin d’éviter la censure des idées nouvelles, dérangeantes ou inhabituelles
  • Le coaching collectif : pour accompagner un groupe à reconstruire une communication respectueuse dynamique et constructive, de la motivation à travailler ensemble
  • La communication non violente (CNV) : pour instaurer entre les êtres humains, des relations fondées sur une coopération harmonieuse, sur le respect de soi et des autres grâce à des règles de communication et d’interactions non-violentes et efficaces.
  • Le coaching individuel systémique : pour accompagner des individus ou des groupes à comprendre le contexte systémique complet dans lequel ils évoluent afin de faire baisser les tensions inutiles et dégager de nouvelles pistes de solutions
  • Etc….

Cette liste n’est pas limitative. De nouveaux sont créés chaque année pour répondre aux besoins des organisations et des individus.

Leur efficacité s’appuie sur le respect de règles essentielles :

  • le respect d’un cadre posé par un facilitateur (externe d’abord, interne ensuite)
  • la bienveillance, le parler vrai et le non-jugement
  • l’écoute active de la part de tous les participants

la sécurité de tous les participants

Adapter les outils aux besoins de votre organisation

Pour répondre à une variété des besoins et des situations rencontrées dans les organisations, les outils listés ci-dessus correspondent à des approches distinctes, parfois opposées. Comme dans les exemples ci-dessous, ils peuvent être :

  • orientées solutions v/s orientées problèmes (systémique Palo-Alto)
  • orientées projets v/s orientées créativité
  • collectives v/s individuelles
  • à long terme v/s ponctuelles
  • avec un objectif fédérateur v/s un objectif de résolution de crise

Cette diversité peut laisser perplexe et dérouter. Certaines méthodes mixent plusieurs approches.

C’est pourquoi l’accompagnement d’un consultant-facilitateur en intelligence collective est essentiel. Il réalise en amont avec le client une analyse de la situation pour identifier quelle approche privilégier en fonction de la demande initiale, de la situation à la fois du contexte et de l’organisation.

Cette analyse préalable permet de déterminer le type d’intelligence dont l’organisation a besoin en fonction de ses objectifs et des circonstances :

  • l’intelligence motivationnelle (leadership, culture du résultat, effet d’entrainement)
  • l’intelligence organisationnelle (efficacité coordination, concertation, organisation)
  • l’intelligence émotionnelle (connexion aux autres, empathie, partage, émulation),
  • l’intelligence exploratrice (innovation, ouverture, lâcher prise, créativité).

Ainsi, les outils d’intelligence collectives permettent de répondre, entre autre, aux besoins d’accompagnement à la croissance ou la conduite de la transformation, ou bien la réalisation de projets spécifiques, la poursuite de l’activité ou bien, lorsqu’il n’y a pas d’autre alternative la cession, le transfert ou la cessation de l’activité dans les meilleures conditions.

Et le rôle de l’individu dans le collectif ?

A ce stade, il me semble important d’insister sur la prise la compte des besoins individuels des membres du collectif.

Il suffit d’une seule personne qui ne se sente pas bien dans l’organisation à un moment donné pour que l’ensemble soit désorganisé ou sous tension. Une séparation peut être envisagée, mais d’autres options sont parfois préférables

  • soit parce que cette personne présente des qualités ou des ressources importantes pour le collectif et qu’elle est indispensable. Accompagner cette personne peut l’aider à retrouver sa juste place et à apaiser les relations dans l’ensemble de l’organisation
  • soit par ce que son comportement traduit un malaise ou un problème plus profond dans l’organisation. Dans ce cas, la séparation ne résout que très ponctuellement le problème qui finira par se poser à nouveau.

Dans ces cas, une approche en coaching individuel peut compléter utilement un travail en intelligence collective.

Votre organisation est unique 

En conclusion, et quel que soit son domaine d’activité, chaque organisation est unique, par son champ d’intervention, ou bien par la spécificité de son public, de ses membres et des services qu’elle porte, et des compétences qu’elle regroupe.

Elle est unique également par le rôle que ses managers, ses élus et ses équipes y jouent dans notre société en mutation. Optimiser le potentiel de ses intelligences collectives et individuelles est la promesse d’un meilleur futur pour le collectif lui-même, ses membres et la société.

Franck VERGUET
Consultant en conduite d’accompagnement au changement
Facilitateur en Intelligence Collective

LIDEA Conseil
De l’idée à l’action
Contact : f.verguet@lidea-conseil.com
Tél : 06 22 74 67 25