Les enjeux actuels environnementaux, sociétaux et géopolitiques à l’échelle planétaire rendent la nécessité de changement est une évidence pour toutes et tous. Nous sommes tous sensibilisés plus ou moins au changement climatique, à la destruction par l’homme de la biodiversité, à la croissance des inégalités dans une proportion jamais égalée, aux pressions migratoires, à l’éclatement de nouvelles crises, affrontements armés et au renforcement des pouvoirs totalitaires. Que nous décidions d’y croire ou de le contester est une autre question. Au minimum nous avons reçu des informations à ce sujet.
Le constat est qu’il n’y a rarement eu autant d’attente de changement que de résistance au changement.
Cette dualité « attente v/s résistance » au changement a un impact direct dans la gestion quotidienne et le management des entreprises, des organisations, associations ou collectivités locales. En effet nous sommes tous des hommes et des femmes vivant dans des communautés très nombreuses et diverses dont les comportements et les initiatives s’impactent mutuellement et créent des boucles d’interactions rétroactives.
C’est ce que l’on appelle la systémique qui est au cœur de l’intelligence collective de nos organisations.
Dans cet article je vous invite à comprendre et à découvrir comment nous pouvons retrouver des marges de manœuvre dans cet ensemble de relations qui nous dépasse largement et qui peut sembler aujourd’hui hors de contrôle.
Nous le ferons à travers la découverte des outils de l’intelligence collective qui peuvent être mis en application dans nos organisations : des PMEs, des services ou des groupes de travail dans des grandes entreprises, des fédérations ou associations professionnelles, les syndicats (de travailleurs, de quartiers …), les associations, etc.
Une approche complémentaire aux outils traditionnels de management
Ces outils viennent compléter et non pas remplacer, les modèles de management traditionnels en apportant une perspective différente, de la souplesse dans le fonctionnement du groupe.
Nous verrons également quels gains qui peuvent en être attendus en termes d’efficacité, d’engagement, de cohésion et de motivation.
Un échange d’information, même organisé et respectueux, ne permet pas à lui seul une réflexion intelligente ni collective.
La réflexion doit être structurée selon un process adapté aux besoins et à la situation. Sinon l’échange se réduit à une conversation dont l’intérêt est réduit. Il n’en sortira rien, ou bien des initiatives inappropriées.
La réflexion doit être organisée en fonction de la réalisation d’un projet, ou bien la résolution d’une situation problématique, ou d’un conflit (médiation).
L’activité de la plupart des groupes est en effet tendue soit
- vers la réalisation d’un objectif ou un but à atteindre : développer un nouveau produit, un nouveau service, un marché, ou répondre à une demande d’un client ou d’un adhérent, se repositionner, etc.
- vers la résolution d’un problème, d’une difficulté ou d’un conflit
Je vais m’attacher à aborder les principes fondamentaux sur lesquels reposent les outils d’intelligence collectives en répondants à deux questions :
- comment organiser la réflexion dans un collectif ? et
comment assurer l’émergence dans cette réflexion d’une intelligence collective ?
Organiser une réflexion structurée et efficace à plusieurs
Nous avons tous appris à l’école et dans nos formations à réfléchir et à développer un raisonnement rationnel selon un plan, une dialectique ou un schéma de gestion de projet. Nous l’avons peu, ou pas du tout appris concernant la résolution de problème, sinon par la négation ou la force (sauf pour les médiateurs bien sûr) :
- La collaboration ou la coopération au sein d’un groupe, les méthodes pratiquées traditionnellement sont celles de la gestion de projet. L’introduction des méthodes agiles a permis d’en améliorer grandement l’efficacité : design thinking, la théorie U, le SCRUM, les méthodes KANBAN, etc que je ne développerai pas ici. Il existe de nombreux experts et formations.
- La résolution de conflit est généralement gérée en recourant à la médiation avec des professionnels formés, ou bien à des cellules de crises.
Chacune de ces approches ne répond que partiellement aux besoins des groupes et des organisations :
- Les méthodes de gestion de projets donnent des cadres de référence, mais qu’ils ne fournissent pas nécessairement les modes de pensée en groupe, en intelligence qui les rendraient parfaitement efficace.
- Les professionnels de gestion de crise sont appelés souvent en dernier ressort, lorsque celle-ci devient quasiment ingérable. La résolution du conflit demande alors une débauche d’effort sans garantie de succès.
Les l’introduction des outils et des pratiques d’intelligence collective et l’accompagnement de facilitateurs permettent de structurer la réflexion des équipes autour :
- des phases de conception à partir d’un objectif, des bénéfices, de la contextualisation, les forces/faiblesses, les ressources, le planning et les conséquences
- de la vision, de la mission, d’un ou plusieurs objectifs stratégiques, avec un rétroplanning opérationnels permettant de passer de la situation présente à l’objectif visés
- des objectifs SMART-E : Spécifiques, Mesurables, Atteignables (sous votre contrôle), Réalistes, définis dans le Temps – et Ecologiques c’est-à-dire ne présentant pas d’inconvénient pour vous, directs ou indirects
- des modes fondamentaux d’élaboration de notre réflexion: de la créativité pure, à une analyse critique, en passant par la connexion aux émotions, la planification et construction…
- de phases d’exploration et de questionnements pour comprendre les enjeux systémiques d’une situation, à la formulation d’une demande et la de production d’idées et de piste de solutions
- de la recherche d’éléments concrets, factuels en faisant préciser au maximum les éléments d’une situation, d’un objectif, et les vérifier pour éviter jugements et interprétations trop personnelles…
Cette liste n’est pas exhaustive.
Ces axes s’appliquent aussi bien à la gestion de projets qu’à la résolution de problème, notamment grâce à la transformulation d’un problème en objectif, c’est-à-dire la recherche d’une alternative à un problème grâce à une approche orientée solution.
Dans d’autres cas, une approche résolument systémique permettra de relâcher les tensions à l’origine du problème et de permettre au groupe de trouver ses propres solutions.
Lorsqu’une crise ou un conflit est avéré, une médiation sera nécessaire. La diffusion et la pratique de l’intelligence collective permet souvent d’éviter les crises.
Ouvrir des espaces d’échanges sécurisés permet de faire émerger une intelligence collective.
Il est naturel que les membres d’un collectif (une entreprise, un groupe de travail, une fédération…) défendent une identité et des intérêts. C’est même indispensable pour la réussite des projets.
En effet, la non prise en compte des besoins fondamentaux de chacun entrainera tôt ou tard une résistance, un désengagement, voire une action de sabotage.
Pour éviter que le jeu des individualités ne bloque la mise en place d’un processus de réflexion commun, les outils d’animation en intelligence collective ouvrent des espaces sécurisés en veillant à :
- instaurer un climat de sécurité en affirmant dès le départ les règles de bienveillance et de respect de la parole de chacun
- assurer à chacun la possibilité d’exprimer des objections, faire même un appel aux objections en indiquant qu’elles participent à réflexion collective
- inviter à formuler autant que possible des objections constructives, c’est-à-dire en indiquant ce qui permettrait de lever l’objection pour l’interlocuteur, pour ne pas rester dans une critique négative
- remplacer le débat par une alternance de phase d’écoute active d’exposés, d’interviews ou de phases d’explorations, avec des phases de retours d’écoute
- favoriser des feedback positifs, pas de conseil et surtout pas de jugement : remplacer les critiques par des suggestions, des idées, des pistes d’amélioration…
- autoriser la divergence, les contradictions, sans jugement ni limitation, notamment dans les phases de brainstorming et de production d’idées
- se donner un droit à l’erreur pour permettre l’apprentissage collectif, dans le respect des règles de bienveillance et respect
- installer des règles de confidentialité, etc.
Ces règles sont souvent contraires voire contrintuitives avec celles auxquelles nous ont préparés le système éducatif et auxquels nous exposent quotidiennement les médias. Ainsi, l’écoute d’active consiste à écouter un locuteur sans l’interrompre pour s’approprier sa représentation de ce qui est exposé, noter ses questions, ses remarques, ses ressentis, points d’approbation ou objection, afin de faire part dans un deuxième temps (retour d’écoute ou brainstorming) de ses questions, suggestions, propositions …
Introduire l’intelligence collective dans les organisations : les outils
De nombreuses pratiques favorisent déjà à l’émergence de l’intelligence collective dans les organisations et les entreprises comme :
- un dirigeant ou un manager à l’écoute de ses équipes (manager coach)
- la pratique du feedback ou des séances de débriefing
- les boites à idées et réunions de debriefs et retour d’expérience sur des actions
- les groupes de codéveloppement entre collègues (techniques, commerciaux…)
- des séances de coaching d’équipes
- … et tout simplement la pratique du brainstorming créatif
L’introduction de méthodes structurées d’intelligence collective s’impose donc lorsque la structure se trouve confrontée à une situation complexe inédite, une concurrence ou une crise particulièrement grave, à un changement de management qui déstabilise les équipes, d’un besoin de transformation comme la fusion de plusieurs entités, ou l’acquisition de sociétés…
Des tensions et des conflits peuvent émerger. Le stress génère un repli sur soi des collaborateurs, une perte d’efficacité des équipes, de communication, la démotivation et le désengagement.
Les consultants et facilitateurs en peuvent alors proposer un accompagnement adapté à l’organisation en s’appuyant sur des outils d’outils d’intelligence collective adaptés aux besoins de l’organisation :
- la méthode MAP pour la gestion de projets et la résolution de difficulté (méthode orientée solutions)
- le Codéveloppement professionnel pour l’amélioration des pratiques managériales, des softs skills et savoir être dans l’entreprise, la résolution de difficultés
- le coaching d’équipes pour la cohérence d’équipes et la résolution de problème
- la pratique de la CNV – communication non violente permet de régénérer une communication intelligente entre les individus
- les principes des modes d’organisation sociocratiques (décision par consentement notamment)
- les bulles conversationnelles pour la résolution de difficultés
Des facilitateurs formés aux techniques de coaching et d’intelligence collective peuvent accompagner les organisations, les managers et les collaborateurs avec une posture coach, c’est-à-dire à l’écoute des clients, sans influer ou guider ceux-ci dans une direction non souhaitée.
Ils peuvent dans certaines circonstances, et sur demande explicite de leur client uniquement, apporter également des conseils sur la situation en s’appuyant sur des outils de diagnostic, de conseil et des formations comme :
- le diagnostic organisationnel de T.O.B. (Théorie Organisationnelle de Berne)
- le coaching individuel de manager et leadership
- les analyses de personnalités (Process Com, Ennéagramme, …)
- les formations à la communication personnelle et interpersonnel…
L’introduction par le facilitateur des outils d’intelligence collective apporte généralement un changement dans l’organisation en diffusant de meilleures pratiques managériales. Il peut être utile de renforcer ces bases en organisant des cycles de codéveloppement professionnel. Cette pratique est une excellente manière de faire grandir l’intelligence collective au sein des organisations. Elle complémentaire à d’autres techniques (MAP ou coaching d’équipes) selon les besoins.
Conclusion
L’intelligence collective a toujours existé au sein des organisations. Sans elle aucune réalisation n’aurait été possible, aucune organisation n’aurait pu se maintenir.
Malheureusement, notre culture moderne issue de la révolution industrielle et scientifique, a eu pour conséquence de nous priver de ressources qui sont nécessaires pour coopérer et collaborer en ensemble et en intelligence pour affronter les défis de demain. C’est à ce besoin d’une plus grande efficacité dans le respect des individus que permet de répondre l’introduction des outils d’intelligence collective dans les organisations, pour développer le QI collectif évoqué au début de cet article et les nombreux bénéfices qui y sont associés.
Franck VERGUET
Consultant en conduite d’accompagnement au changement
Facilitateur en Intelligence Collective
LIDEA Conseil
De l’idée à l’action
Contact : f.verguet@lidea-conseil.com
Tél : 06 22 74 67 25